ENTRE LA TERRE ET LE CRI
Installation de Maria Monseny x Pangea
Cet espace accueille deux œuvres qui partagent une même attitude : toucher la réalité sans gants. Il n’y a pas de métaphore excessive ni de sublimation : il y a matière, mémoire et décisions.
CRESOL, de Maria Monseny, et FLAGS, conçues et confectionnées par Pangea, dialoguent sans chercher l’accord. Chacune a sa voix et son rythme, mais elles coexistent dans une même intention : rendre présent ce que nous écartons habituellement.
CRESOL
Maria Monseny
Se déchausser. Toucher la terre. Accepter la poussière et la boue.
Dans CRESOL, Maria Monseny n’illustre pas, elle active. Elle apporte des matériaux réels de ce qui pourrait être un véritable potager, des outils usés, ceux de la lumière filtrée à travers les pierres, la terre, les restes d’objets pleins de quotidienneté. Tout a été touché, utilisé, ressenti. Il n’y a pas simplement de l’esthétique car il y a de l’expérience.
Le cuivre apparaît ici comme conducteur. Non seulement d’électricité, mais de mémoire. C’est ce qui maintient le fil entre la cuisine de la maison, le potager de la grand-mère et la pratique d’une spiritualité sans dogme, silencieuse, qui se fait avec les mains.
Cette œuvre n’est pas faite pour être regardée. Elle est faite pour être vécue, pour arrêter le corps et laisser le territoire vous atteindre.
Une invitation à être en contact. En silence sincère. Sans séparation entre le spirituel et le physique.
FLAGS
Pangea
Dix drapeaux. Dix affirmations ou questions. Dix façons de résister en existant, ce qui n’est rien d’autre que vivre en liberté.
Ces drapeaux ne représentent aucune nation ni aucun dogme. Ils sont un manifeste ouvert de The Yoga Gallery : la volonté de pratiquer le yoga comme une manière de vivre, non comme une discipline séparée du monde quotidien. Chaque drapeau dit quelque chose de différent. Certains célèbrent : « NOUS SOMMES THE YOGA GALLERY », « UNION ». D’autres dérangent : « MON ARME A UN NOM : VULNÉRABILITÉ », « J’OSE NE PAS AIMER », « UNE ÉPÉE DE VÉRITÉ ».
Tous sont simples, directs, avec des couleurs unies et des formes symboliques. Ils sont faciles à appréhender, mais pas toujours à digérer. Comme une vérité inattendue, comme une pratique honnête : tous ne plaisent pas. Mais tous remuent. Ces drapeaux ne cherchent pas à embellir. Ils veulent parler. Ils ne veulent pas unifier. Ils veulent exprimer et intégrer.
Et ils le font ici, sans flotter dans cet espace comme s’ils étaient des voix, des rugissements, des silences, des épées et des prières.
Unconform —le studio de design formé par Eva et Mirco— a été invité à définir le concept et la direction créative d’une série de 10 drapeaux créés par Pangea.
Nous avons proposé 10 micro-recettes qui cherchent à questionner les contours de la spiritualité contemporaine : moins d’évasion, plus de réalité ; moins de récit, plus de réalité. Moins, plus.
Des recettes en accord avec l’esprit du projet et de son fondateur, Gabriel Pena.
À partir de là, nous avons accompagné le processus illustratif sans interférer avec le langage de Pangea ni l’associer aux codes visuels du yoga contemporain. Le résultat est une série de pièces qui défient, célèbrent et dérangent.
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NOUS SOMMES THE YOGA GALLERY
Une forme circulaire au centre, entourée de formes opposées, avec les lettres T Y G sur les marges. Ce drapeau est une déclaration d’identité. Nous sommes cela. Pas un logo. Pas une marque. Une force qui se définit par le mouvement, l’intégration, la coexistence des contraires. Centre et périphérie. Lumière et ombre.
UNION
Une clé, un cœur, une forme qui rappelle un nœud celtique ou une connexion continue. L’union ici n’est pas l’harmonie, c’est la conscience. Relier ce qui semble séparé. Le corps et l’esprit. Ce que nous aimons et ce que nous évitons. Il n’y a pas de spiritualité sans connexion. Pas de connexion sans vérité. Pas de vérité sans yoga. Pas de yoga sans relation ni intégration.
J’AI ASSEZ D’OPIUM DANS MON ÂME
Il n’est pas nécessaire de chercher à l’extérieur. L’opium est déjà à l’intérieur. Pas comme une fuite, mais comme une activation profonde. La méditation éveille un état qui transforme la perception sans anesthésie. C’est l’espace où le bruit s’arrête et tout prend de l’importance. Pessoa écrivait : « J’ai assez d’opium dans mon âme. » Nous le matérialisons. Vivre les yeux ouverts. C’est cela le yoga. C’est l’effet. Quand on pratique vraiment, le monde ne disparaît pas, mais il cesse de faire mal pour passer, sans hésitation, du côté de l’amour inconditionnel et de la compassion.
LA RÉALITÉ ME LIBÈRE
La réalité n’est pas toujours aimable. Mais c’est le seul endroit où nous pouvons vivre. En dehors de cela : auto-tromperie, fantaisie, anesthésie. Accepter la réalité — avec toute sa saleté, ses contradictions et son usure — c’est couper le cordon avec la fiction. Ce n’est qu’avec la vérité que commence la liberté. Ce n’est pas une liberté joyeuse, ni légère. C’est une vérité propre. Sans décors. Sans excuses. La vérité, telle qu’elle vient. Sans maquillage. Un drapeau de reddition, pas de défaite.
CHUT
Le silence n’est pas un luxe. C’est une nécessité. Ce drapeau n’est pas bruyant. C’est un espace vide. Un désert où tout s’efface sauf l’essentiel. La petite flamme d’une bougie. Respirer. Écouter. Apprendre à être dans le non-agir. Ici, il n’y a pas de musique. Pas de likes. Juste toi et ce qui reste quand tu enlèves tout.
MON ARME A UN NOM : VULNÉRABILITÉ
Ce drapeau pointe vers le cœur. Pas pour blesser, mais pour dire la vérité. La vulnérabilité n’est pas une faiblesse. C’est une force sans armure. C’est la capacité de se montrer sans filtres, de ne pas se défendre. Ici, l’arme est la parole, le geste tendre, le regard clair. Nous tirons de l’amour et nous ne nous taisons pas.
J’OSE NE PAS AIMER
Dire non, c’est aussi du yoga. Ce drapeau ne cherche pas à plaire. Il ne cherche pas à s’intégrer. Il est pour ceux qui n’ont pas peur de diverger, de remettre en question, de rejeter la forme établie. Nous osons ne pas suivre la mode. Dire « cela ne me représente pas ». Nous montrer contradictoires. Revendiquer la liberté de ne pas plaire. Ce drapeau défend le droit de poser des limites, de dire non, de défier le « positivisme obligatoire ».
UNE ÉPÉE DE VÉRITÉ
La vérité n’est pas toujours pacifique. Parfois, elle tranche. Parfois, elle démantèle. Ce drapeau porte une épée, non pour faire la guerre, mais pour couper le voile. Jésus a dit : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. » Cette épée n’est pas de la violence, mais de la clarté. Le yoga ne console pas toujours. Parfois, il secoue.
SANS PEUR
Un cadenas ouvert, avec la clé flottant à proximité. Il ne s’agit pas de ne pas avoir peur. La peur est là. Mais elle ne gouverne pas. Elle ne commande pas. Elle ne coupe pas le souffle ni n’écrit les décisions. Être « sans peur », c’est regarder la peur en face et continuer à avancer. Ne pas désirer une sécurité absolue. Ne pas vouloir de garanties, c’est vivre avec l’inconfort. Avec l’incertitude. Avec le risque. Et le faire les yeux ouverts. « La peur est mon amie », disait Mike Tyson. Parce qu’elle ne ment pas. Parce qu’elle te montre où tu joues vraiment ta vie : dans la rue, grand ouvert pour te donner de l’amour, pour le recevoir de l’extérieur et le donner sans condition.
MOI, L’HUMANITÉ
Ce n’est pas ta pratique. C’est la nôtre. Ce drapeau est un rappel que tu n’es pas seulement toi. Tu fais partie du tout. Un cœur dans un réseau de cœurs. Nous pratiquons pour nous, oui, mais aussi pour ceux qui ne peuvent pas. Pour ceux qui souffrent, pour ceux qui fuient, pour ceux qui ont oublié comment respirer. Remercie tout être vivant. La nature entière. « Ne demande pas pour qui sonne le glas. Il sonne pour toi. » (John Donne)